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Les médias ne doivent-ils rapporter que des faits réels ?

Les médias peuvent en principe publier des faits véridiques et des déclarations de soupçon, même s'ils portent atteinte à la personnalité.

Les médias peuvent en principe publier des informations véridiques, à condition qu'elles ne concernent pas le domaine secret ou privé de la personne concernée ou qu'elles ne soient pas inutilement blessantes. Est considéré comme « vrai » à cet égard le fait que le rapport reproduise les points essentiels correctement. Le rapport peut également contenir des atteintes à la personnalité, pour autant que l'intérêt public à connaître l'information soit prépondérant.

Même un rapport basé sur de simples soupçons est admissible, pour autant que le lecteur moyen reconnaisse qu'il s'agisse de cela et non de faits prouvés. C'est ce qu'a confirmé le Tribunal fédéral dans son arrêt du 14 janvier 2025.

L'association estime que sa personnalité est atteinte

Un quotidien rapporte les déclarations d'anciens employés de crèches sur les dysfonctionnements en matière d'organisation et de personnel dans une crèche gérée par une association d'utilité publique citée. La direction de l'entreprise critiquée peut également s'exprimer sur les reproches dans l'article.

L'association dépose une plainte contre l'éditeur du journal ainsi que contre les deux journalistes auprès du tribunal de district compétent. Elle demande entre autres que l'on constate que les défendeurs ont porté atteinte à sa personnalité de manière illicite. Le tribunal d'arrondissement rejette la plainte et l'association n'obtient pas non plus gain de cause en faisant appel devant la Cour suprême cantonale. Elle s'adresse alors par le biais d'un au Tribunal fédéral recours en matière civile.

Les atteintes à la personnalité peuvent être autorisées

Selon le Tribunal fédéral, la diffusion de faits véridiques est en principe couverte par le mandat d'information des médias. Même si des déclarations portent atteinte à la personnalité, elles ne sont pas forcément illicites. Si l'intérêt public à l'information l'emporte sur l'intérêt privé à la protection de la personnalité, un reportage portant atteinte à la personnalité est également admissible.

Comme l'écrit le Tribunal fédéral, la mission d'information de la presse n'est toutefois pas un motif justificatif absolu. Même si l'intérêt public prévaut en principe, tous les passages doivent être examinés individuellement afin de déterminer s'il existe un besoin d'information en ce qui les concerne. (Cf. aussi : « Puis-je parler de « copinage » à la télévision ? »)

Dans leur article, les journalistes rapportent que, selon les déclarations d'anciennes collaboratrices, l'association ne respecte régulièrement pas le taux d'encadrement dans ses crèches, que la direction de l'entreprise demande aux employées de trafiquer les plans de travail et que du personnel non qualifié doit prendre des responsabilités. Il est incontestable que ces déclarations portent atteinte à la personnalité. Toutefois, selon le Tribunal fédéral, l’intérêt public général et considérable prévaut ici à des crèches bien gérées et à une surveillance étatique des crèches qui fonctionne. Le choix des journalistes de désigner également nommément l’association est admissible. En effet, s'ils ne l'avaient pas fait, toutes les crèches auraient fait l'objet d'une suspicion générale.

Les médias peuvent écrire sur un soupçon

Pour des raisons d'éthique médiatique, les médias ne peuvent publier que des informations provenant de sources connues et doivent désigner comme telles les affirmations non confirmées. Ils ne doivent donc pas donner l'impression qu'un fait est prouvé alors que ce n'est pas le cas. Parallèlement, les médias n'ont pas besoin de prouver les faits pour pouvoir les rapporter. Ils peuvent notamment rapporter des faits répréhensibles même s'ils n'ont pas (encore) été prouvés par un tribunal.

Comme l'explique le Tribunal fédéral, l'article donne au lecteur moyen l'impression générale que les irrégularités discutées sont des reproches contestés, voire non prouvés. Ceci d'autant plus que l'ancien directeur de l'entreprise a pu prendre position sur accusations les dans le rapport.

Le Tribunal fédéral rejette le recours et met à la charge de la plaignante les frais judiciaires à hauteur de 5’000 CHF.