Travailler
Une employeuse peut-elle n'engager que des hommes ?
Non, à condition qu'elle n'engage pas de femmes uniquement en raison de leur sexe. Si la discrimination apparaît comme principalement probable, l'employeuse doit verser une indemnité. Dans sa décision, le tribunal doit notamment prendre en compte un éventuel rapport de la commission de conciliation. C'est ce qu'a confirmé le Tribunal fédéral dans sa décision du 4 octobre 2022.
La loi sur l'égalité interdit aux employeuses de discriminer les candidats et candidates à l'embauche en raison de leur sexe. Si l'employeuse enfreint l'interdiction de discrimination, la personne discriminée a droit à une indemnité d'un montant maximal de trois mois de salaire. Lors de l'évaluation d'une éventuelle discrimination à l'embauche, le tribunal doit prendre en compte tous les indices pertinents pour une discrimination. (cf. aussi : « Licenciée après le congé maternité : toujours autorisé après une restructuration ? »)
Une femme postule 5 fois sans succès à un poste de garde-chasse
Une femme employée par le canton en tant que secrétaire bilingue pose plusieurs fois sa candidature pour un poste de garde-chasse, sans succès. Entre-temps, la femme siège également dans le groupe de travail chargé de réviser l'ordonnance cantonale sur la chasse. La direction compétente justifie les refus d'embauche de différentes manières, par exemple parce que la femme ne parle pas assez bien le français ou parce que d'autres candidatures auraient mieux répondu aux exigences du poste. Une autre femme a certes postulé avec succès pour le poste de garde-chasse, mais a finalement retiré sa candidature.
Après une cinquième candidature infructueuse, la femme fait recours auprès du tribunal administratif cantonal et demande une indemnité équivalente à deux mois de salaire. Le tribunal administratif lui propose de retirer son recours sans frais. La femme ne donne pas suite à cette offre, ce qui conduit le tribunal administratif à rejeter le recours. La femme dépose un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral. Le Tribunal fédéral accepte le recours et renvoie l'affaire au canton pour un nouveau jugement.
La discrimination à l'embauche est difficile à prouver
Contrairement à un licenciement par exemple, la discrimination à l'embauche ne bénéficie pas formellement d'un allègement du fardeau de la preuve. Ainsi, au vu de la difficulté - voire de l'impossibilité dans la plupart des cas - d'apporter une preuve stricte d'une discrimination à l'embauche, il faut admettre que le juge puisse se satisfaire d'une preuve fondée sur une vraisemblance prépondérante.
Les procédures en matière d'égalité sont gratuites
Le tribunal administratif cantonal procède à l'audition de différents témoins et informe la femme non employée qu'elle ne recevra probablement pas d'indemnité. Il lui propose de retirer son recours sans frais. Toutefois, la procédure de protection juridique dans le cadre des rapports de travail de droit public est de toute façon gratuite, conformément à la loi sur l'égalité.
Déclarations discriminatoires lors de l'audition
Le tribunal cantonal considère que la raison principale du non-engagement est que l'activité de la femme dans le groupe de travail pour la révision de l'ordonnance sur la chasse n'a pas été bien perçue. Le Tribunal fédéral n'en est pas convaincu et souligne en particulier les déclarations du chef de section lors de l'audition, selon lesquelles le poste de garde-chasse est un poste à 100% avec des horaires de travail irréguliers et ne convient donc pas aux femmes. La prise en compte ultérieure d'une autre femme dans le processus de candidature ne convainc pas non plus le Tribunal fédéral, car, sur la base de différents faits, un emploi alibi ne peut être exclu.
Indépendamment de son profil, c'est bel et bien l'intégration d'une femme dans le corps des gardes-faune composé exclusivement d'hommes qui semblait poser un problème, selon le Tribunal fédéral.
Le rapport de la commission de conciliation est un élément de preuve
Au cours de la procédure, la femme présente un rapport de la commission cantonale de conciliation. Celui-ci montre par exemple que seuls des hommes ont été impliqués dans le processus de candidature et que l'organigramme ne comportait que des cadres masculins. Le tribunal administratif cantonal n'a abordé aucun de ces points. L'appréciation des preuves par le tribunal administratif cantonal est donc arbitraire.
Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours constitutionnel subsidiaire et oblige l'intimée à prendre en charge les frais de justice à hauteur de 1’000 CHF. Elle doit en outre verser à la recourante une indemnité de partie de 2’500 CHF.